Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

De la place des pères

Nous y voilà : 2020, quelle place pour les pères ? C'est une drôle de question, non ? Evidemment que les pères ont une place dans l'éducation de leurs enfants : plus personne ne doute de cela et tout le monde, professionnels en 1ère ligne, encourage les papas à s'approprier ce rôle qu'ils ont longtemps peu habité. Et pourtant... quelle place réellement pour les pères dans notre société ? La question se pose.

Personne ne se pose jamais la question de la place de la mère pourtant. La mère EST mère, remplit ce rôle "par nature" et on ne vient jamais remettre en question son possible investissement dans l'éducation, la sécurité physique et affective de ses enfants. D'ailleurs si la dite-mère ne tenait pas ce rôle, cela serait tout à fait incompréhensible et socialement condamnable.

Pour les pères, c'est différent, il y a apparemment une option. Le père semble avoir le choix de plus ou moins s'investir et, même si évolution des mœurs il y a, cette option reste bien ancrée dans les cerveaux de tout le monde. Moi la première, quand les professionnels ou l'entourage me demandent comment se passe la paternité de mon mari, je commence toujours ma réponse par "c'est un papa très investi" et j'ai une certaine fierté d'avoir "tiré le bon lot", un qui tient son rôle et prend sa place, avec bonheur qui plus est. Comme s'il pouvait en être autrement. 

D'ailleurs, on demande souvent aux papas s'ils changent les couches. Jamais on ne demande à une maman : "Et tu changes les couches toi ?". Bah non, on ne lui demande pas, car ça coule de source que bébé ne change pas sa couche tout seul ; par contre que papa le fasse, ça c'est étonnant !

 

Donc 2020 je disais... ça se bat de partout côté féminisme, mais peut-être est-il temps de se battre côté masculinisme, car les chers hommes, quand il est question de leur place de père, sont sacrément dénigrés. Petite victoire me direz-vous que l'augmentation du temps de congé paternité qui entrera en vigueur en juillet 2021. Oui, certes. Mais PETITE victoire car, là encore, il y a des réactions du genre "oh oui, c'est important que le papa soit présent plus longtemps : c'est si dur les 1ers temps, les mamans ont besoin d'aide". Avez-vous déjà demandé à un papa si sa femme l'aidait bien avec le petit dernier ? Probablement pas ! Par contre, vous avez sûrement demandé à la maman si son mari l'aidait bien depuis la naissance du petit 4ème. Etonnant, non ? Voilà comment nos pauvres papas sont tout juste relégués à une place de béquille, d'aide ponctuelle sur les premiers temps de la vie de leur enfant. Et s'ils désiraient un vrai congé paternité ? Pas pour soutenir Madame uniquement. S'ils avaient envie de prendre le temps de rencontrer leur enfant ? De trouver leur marque dans cette nouvelle paternité ? De sortir la tête de l'eau face à ce chamboulement qu'est l'arrivée d'un enfant ? De co-construire avec la maman un petit cocon d'amour pour leur bébé ? Et s'ils voulaient tout simplement prendre le temps de devenir père ?

 

Les papas ont encore du chemin à parcourir pour qu'on les autorise à vivre pleinement leur paternité. Et cette année de crise sanitaire en a été un grand révélateur, à mon sens. D'un seul coup le monde de la petite enfance, les maternités, les professionnels de la naissance, si prompts à encourager les pères dans leur paternité en temps normal, ont rebroussé chemin à la vitesse de l'éclair. Finie l'intégration des papas lors du suivi de grossesse ! Exit les papas des préparations à l'accouchement ! Interdit aux papas de s'émouvoir pendant l'échographie de leur enfant, il faudra se contenter de l'impression ratée -"on a un problème d'encre", me dit l'échographiste- de l'échographie. Et pire encore, messieurs sont priés d'attendre sur les parkings des maternités que la dilatation soit bien avancée pour venir auprès de leur compagne ou carrément ne sont pas autorisés à assister à l'accouchement. Pour ceux dont on autorise la présence, ils voudront bien quitter les lieux 2h après la naissance et ne plus revenir ensuite. Les papas sont exclus des 1ers jours auprès de leur bébé ou simplement, pour les plus chanceux..., exclus des soins. Bref, les papas ont été/sont persona non grata dans les maternités. 2020 donc... évolution des mœurs ? C'est à revoir ! Nous voilà de retour 50ans en arrière ! En filigrane on dit aux pères que les enfants sont un truc de femmes et qu'ils n'ont rien à faire là dedans. On les relègue à la simple place de géniteurs. Et cela ne semble pas choqué grand monde. De l'échographiste qui me dit "il faut que tout le monde fasse des efforts" à l'auxiliaire de puériculture qui demande à mon mari de sortir de la salle où on donne les bains car "les papas n'ont pas le droit d'être là", comment ces professionnels peuvent accepter de renier leur rôle premier qui est l'accompagnement des parents et des bébés dans leurs premiers liens ? On sait pourtant l'importance de ces premiers liens, la nécessité pour le père de rencontrer cet enfant qu'il n'a pas porté et de l'apprivoiser. On sait que tant de choses se jouent dans les 1ers jours. Si le lien précoce mère-enfant peut-être mis à mal par une séparation au moment de la naissance dans le cas de pathologie du bébé, comment peut-on imaginer qu'une éviction du père ne mettra pas à mal le lien précoce père-bébé ? Et je dirais même, comment peut-on imaginer que la séparation de la famille père-mère-fratrie-bébé dans les premiers temps de la vie du bébé, c'est-à-dire au moment où chacun doit se découvrir, trouver sa nouvelle place, comment donc cela ne peut-il pas avoir de répercussions sur les relations précoces mère-enfant, père-enfant, sur les relations dans la fratrie et sur la construction du groupe famille ? Nous avons consciemment abandonné l'accompagnement de la parentalité au profit d'une pseudo-protection face au COVID. Combien de mamans esseulées en suite de couche, déprimées de devoir vivre ces instants seule ?  Combien de papas n'ont pas pu rencontrer leur bébé avant plusieurs semaines car bébé hospitalisé en néonatalogie ? Combien de frères et soeurs mis à mal par la séparation prolongée d'avec leur mère ? ET... ce qui en découle : combien de dépressions du post-partum supplémentaires ? Combien d'enfants supplémentaires avec des troubles de la relation précoce d'ici quelques années dans les cabinets des psy ? Combien de pères en souffrance dans leur rôle de père ? Combien de couples divorcés ne parvenant à construire un cocon familial ? Je vais trop loin ? Pas sûre. Ce qui est sûr c'est que les chiffres nous ne les auront jamais, contrairement à ceux décédés du COVID... et c'est probablement là toute la différence. 

 

Bref, je m'emballe. Tout ça pour dire, qu'il y en a encore du chemin à parcourir pour que les pères soient autorisés socialement à être père comme ils l'entendent, et pour que ceux qui ne s'impliquent pas dans l'éducation et le lien affectif à leur enfant n'ait plus pour excuse acceptable d'être des hommes. Il y aurait encore tant à dire mais je m'arrête là ! 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
B
Ah Sarah quel beau plaidoyer ! Tu es une super psy, ça se voit ! Il faudrait que tous les responsables des maternités et tous les responsables politiques lisent cette belle réflexion. A envoyer aux députés et ministres !
Répondre