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ma chere bichette

Lettre 15

Ma grande chérie,
Dans quelques semaines, tu auras 3ans. Alors je reprends la plume pour l'occasion et t'écris à nouveau une lettre. 3ans ! Tu sors officiellement de l'âge "bébé" même si cela fait déjà plusieurs mois qu'on se dit que tu n'es plus un bébé du tout ! Tu as bien grandi et aspire à tout faire seule, comme une grande. Que de crises de frustration ces derniers mois lorsqu'on te dit que non, tu ne peux pas encore faire telle chose seule !


Voilà presque 3ans qu'on apprend à être tes parents, qu'on découvre ta personnalité, qu'on comprend petit à petit ton fonctionnement. On aimerait croire qu'on a fait du "bon boulot" mais le mérite ne nous revient pas tellement. C'est toi qui te construis, avec ce que tu es intimement. Et nous, on essaie juste de te suivre et de baliser ton chemin pour que tu grandisses confiante et heureuse. Je croyais qu'être parent c'était guider son enfant, lui tenir la main pour tracer avec lui son chemin. Mais non, c'est toi qui marches devant, et nous on te suit, on t'encadre, prêt à te rattraper si tu devais chuter, on vérifie l'absence de danger devant tes pas, auquel cas on t'arrêterait une main sur l'épaule. Mais oui, on te suit et tu nous emmènes sur des chemins qu'on n'avait pas imaginé emprunter. Parfois tu prends des raccourcis, tu vas trop vite pour nous. Parfois, tu prends des détours dont on se passerait bien. Tu fais ton petit bonhomme de chemin et te voilà ma grande petite fille ou ma petite grande fille comme j'aime t'appeler, quand tantôt je te dis petite et que tu me dis "ah non maintenant je suis grande !" et quand tantôt je te dis grande, tu réagis "mais je suis encore un peu petite quand même !". Te voilà ma jolie puce au caractère bien affirmé et si indépendante, qui n'aime pas les bisous ("les bisous c'est beurk !") et tolère les câlins. Ma petite chérie à l'imagination débordante qui peut inventer une histoire pleine de rebondissements avec un bout de fromage, qui aime inventer des mots et des prénoms, qui change à sa guise les paroles de chansons, qui fait apparaître au milieu du salon un train, un coin pique-nique ou des toilettes ! Ma grande bichette qui a soif d'apprendre et de faire, qui veut découvrir, qui s'émerveille, qui ne lâche rien jusqu'à réussir, qui vise aussi trop souvent la perfection. Ma petite timide, réservée, observatrice dans les moindres détails du monde qui l'entoure et des comportements des autres. Ma grande stressée qui mange ses doigts ; mon moulin à parole qui devient muette comme une carpe dans les situations nouvelles, qui se cache, murmure un "bonjour" inaudible avant de crier "t'as vu maman j'ai bien dit bonjour !". Ma beauté aux cheveux indisciplinés, ma crassepougnette qui petit à petit lâche son besoin d'être toujours nickel et prend plaisir à se salir, à manger comme un petit cochon. Mon petit cœur qui n'aime pas quand ça crie trop fort et qu'on retrouve alors en compagnie d'un livre, au calme dans sa chambre. Ma chérie sociable qui aime avoir du monde à la maison, qui prévoit ses invités à son anniversaire depuis des mois... mais qui fera sans aucun doute la timide le moment venu ! Mon petit chat qui est devenue une super grande sœur, qui prend soin, câline, bisouille son petit frère (parce qu'avec lui les bisous c'est pas "beurk") et surtout surtout qui veut sans cesse le faire rire aux éclats (et ça marche !). Pour tout ça et bien plus encore, j'ai une admiration sans limite pour le petit être que tu es. Je n'en retire même pas fierté car si je prends la pleine responsabilité de tes fragilités dans lesquelles je me reconnais, je suis éblouie par tes forces qui ne viennent clairement pas de moi. Je t'aime parce que tu es ma fille, mais j'aime celle que tu es car, je crois profondément et en toute objectivité, que tu es une merveilleuse petite fille qui deviendra une super grande fille et une adulte admirable.

A tes 3ans ma jolie bichette !
Je t'aime,
Maman 

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Lettre 14

Ma bichette chérie,

 

Comment on annonce à une petite fille de 22 mois qu'elle va être grande sœur ? Je te le mets dans le 1000 cette annonce fut un échec, t'as rien capté à ce qu'on te racontait, t'as vaguement essayé de mater sous ma robe s'il y avait effectivement un bébé caché et voyant qu'il n'y avait rien de passionnant, t'es partie vaquer à tes occupations. Alors je vais l'annoncer ici, par lettre, à la grande fille que tu seras un jour et qui lira, par besoin ou par plaisir, cette lettre.

 

Ma chérie, tu vas devenir grande sœur. J'aimerais te raconter quelle merveilleuse aventure t'attend, mais je me dois aussi de te dire quelle terrible aventure ce sera. Merveilleuse, car je te souhaite une relation de fratrie telle que je la connais avec mes sœurs : de la complicité, un soutien indéfectible, beaucoup d'amour et d'admiration. Je te parle de ma place de petite dernière qui a toujours trouvé ses deux grandes sœurs formidables, qui a toujours espéré leur ressembler un peu et qui est aujourd'hui fière et heureuse de faire partie de ce trio. Ton papa pourra te parler de ce qui est super quand on est l'aîné. Nous croyons tous les deux profondément qu'il est merveilleux d'avoir une fratrie : d'avoir cet ou ces autres avec qui partager les bons et les moins bons moments, avec qui rire et se chamailler, avec qui partager les souvenirs d'enfance et les galères d'adultes.

 

Le revers de la médaille c'est cette exclusivité que tu n'auras plus avec nous, tes parents, et toute la jalousie que cela générera chez toi mais aussi chez ce petit autre qui va prendre tant de place. Je prie chaque soir depuis que je suis enceinte pour que le revers de la médaille n'ait pas raison d'une belle relation entre vous et que chacun de vous trouve dans ce lien fraternel un(e) confident(e) à vie.

 

Ma petite chérie, tu vas devenir grande sœur et je m'en excuse. Je m'excuse de tous ces moments où tu te sentiras délaissée, moins aimée, pas écoutée. Je m'excuse pour toutes ces fois où je te demanderai de patienter, de faire doucement, d'être plus sympa avec ton frère ou ta sœur. Je m'excuse de déstabiliser le monde tel que tu le connais, notre petit univers à 3, notre quotidien bien organisé où tu t'épanouis depuis 2 années.

 

Mais ma bichette, tu vas devenir grande sœur et je t'en remercie. Peut-être qu'un jour tu te diras qu'on a été très égoïstes de faire un deuxième enfant si vite, peut-être que tu nous en voudras. Peut-être même que tu te demanderas pourquoi on a eu envie d'en faire un autre alors que tu étais là, toi. Oui, ma puce, il y avait toi ; toi notre petite fille exceptionnelle. Celle qu'on regarde avec des étoiles dans les yeux chaque jour. Celle dont on s'émerveille de chaque geste, chaque mot, chaque évolution. Celle qui nous fait rire, qui parfois aussi nous fait crier, mais qui nous rappelle combien la vie vaut la peine d'être vécue. Celle pour qui on donnerait tout. Celle que je couche chaque soir en disant que je l'aime plus fort que tout. Sais-tu combien de fois je dis à ton père « c'est terrible, je l'aime trop ! » ? Sais-tu combien de fois on se dit qu'on a une chance inouïe d'avoir notre parfaite petite fille ? As-tu seulement idée de combien tu nous as transformé en la meilleure version de nous-même ? Alors, nous agrandissons la famille parce que ce bonheur incommensurable qu'on connaît depuis ta naissance, on en veut encore : pour nous égoïstement, mais aussi pour toi et pour ce petit être à venir. On croit profondément qu'à 4 l'histoire sera encore plus belle.

 

Nous t'aimons et t'aimerons toujours plus que tout, à égalité avec ce bébé qui fera de toi une grande sœur exceptionnelle, on n'en doute pas.

 

Ta maman qui t'aime

 

 

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Lettre 13

Ma petite chérie,
17 mois déjà et nous venons de passer le mois le plus difficile depuis ta naissance. J'avoue : nous avions baissé la garde. Notre bébé facile nous avait rassuré et avec ton papa on se disait que le pire était derrière nous. C'était sans compter sur ce mois de décembre qui allait tout perturber. Notre petite puce si indépendante et sereine s'est transformée en bébé inquiet qui n'avait plus que le mot "peur" à la bouche. Si tu nous le demandais aujourd'hui, on répondrait que jamais plus on ne fêtera Noël, tellement cela a été le point déclencheur des grosses perturbations. Un mois qu'on a dit au revoir à des endormissements rapides et à un sommeil serein. Un mois où on accumule la fatigue de notre côté, où on perd patience avec toi et entre nous. Petit à petit, les choses s'apaisent et pourtant, nous, tes parents, on peine à reprendre pieds. Sommes-nous des petites natures ou nous étions-nous habitués au calme ? Oui vraiment on a baissé la garde.
Je t'écris cela pour qu'on se rappelle que rien ne dure : ni le calme, ni la tempête. La vie est ainsi faite de successions de vagues sur lesquelles tantôt on se laisse porter, tantôt on se débat pour ne pas se noyer. Et c'est bien ainsi. Car si le calme est si plaisant c'est aussi parce qu'on sait quelles tempêtes on a traversé et comment on y a fait face. On sort de l'eau avec fierté et on profite des temps cléments.
Doucement notre océan se calme. Il nous faudra renoncer à la terre ferme car c'est ainsi la vie de famille : une vie de marins !

Je t'aime mon petit poisson-chat,
Maman

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Lettre 12

Ma toute petite bichette, 

Je ne peux écrire cette phrase sans avoir les larmes aux yeux : ça y est, tu as un an ! 

Comment te parler de cette première année ? Quels sont les bons mots pour exprimer mes ressentis ? Ils ne sauront être à la hauteur mais je vais essayer...

Avant toi, j'étais heureuse mais j'ignorais qu'il existait un niveau supérieur encore au bonheur. 

Avant toi, j'étais fière de mon travail, de mon couple, de mes choix, mais j'ignorais que la fierté serait quotidienne en t'observant grandir.

Avant toi, j'aimais rire, mais j'ignorais qu'un si petit être pourrait me provoquer de tels fous rire.

Avant toi, j'aimais chanter, mais j'ignorais la force des vibrations des chansons que je murmurerai pour t'endormir. 

Avant toi, j'aimais la musique, mais j'ignorais alors que le son le plus merveilleux à mes oreilles serait ton rire d'enfant.

Avant toi, j'aimais les câlins, mais j'ignorais le sentiment de plénitude de ta petite tête posée dans le creux de mon cou.

Avant toi, j'aimais la vie, mais j'ignorais quelle vitalité tu apporterais à notre foyer.

Avant toi, j'admirais et me délectais des belles choses, mais j'ignorais que le plus beau spectacle au monde serait d'assister à ta vie quotidienne.

Avant toi, j'aimais découvrir de nouvelles choses, mais j'ignorais que tout aurait à nouveau un goût d'inconnu à travers tes yeux et que te voir découvrir serait si merveilleux.

Avant toi, je me croyais vivante, mais j'ignorais qu'il me manquait ce quelque chose qui rendrait chaque seconde de ma vie plus forte et plus sensée.

Avant toi, je savais que les enfants étaient merveilleux, mais j'ignorais que toi tu serais absolument, totalement, résolument parfaite. 

Avant toi j'étais la même, mais finalement si différente.

 

J'aime notre quotidien depuis une année, j'aime celle que je suis devenue en étant mère, mais surtout, plus que tout, je t'aime !

 

J'ai hâte de passer à tes côtés les délicieux moments qui font une vie, de te tenir la main sur les chemins que tu choisiras, d'observer ton caractère et ta personnalité évoluer, de te voir grandir, apprendre, aimer, découvrir, savourer, rire, chanter, danser, courir,...vivre tout simplement. J'ai hâte surtout que ça aille doucement ! C'est parti pour ta 2ème année !

 

Je t'aime,

Maman.

 

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Lettre 11

Ma petite chérie,

Chose promise, chose due. Aujourd'hui, je vais donc te parler des lignées masculines. C'est une lettre bien plus difficile à écrire, sûrement à cause du grand mystère que sont les hommes pour nous les femmes (et inversement !). Là encore, je me contenterai de la partie que je connais et pour le reste, ce sera à ton père de te raconter.

 

Je vais commencer par les hautes branches : tes arrières-grands-pères maternels, mes grands-pères.

Mon grand-père maternel est décédé accidentellement quand ta mamie était toute petite, alors les récits le concernant sont rares. Moi, j'ai juste en tête cette photo qui a toujours trôné sur le buffet chez ma grand-mère, d'un monsieur tout sourire. Il a laissé un grand vide dans la vie de ton arrière-grand-mère et de ta mamie. Je pense que ce vide laissé a joué sur la façon dont mamie a été maman avec moi, sûrement aussi dans son choix amoureux pour papi. Moi j'ai été habitée toute mon enfance par cette angoisse profonde de perdre subitement mes parents, de me retrouver seule, orpheline, et je ne peux pas croire que cela soit sans lien avec ce traumatisme dans la génération précédente. Ma plus grosse crainte en devenant maman c'était que tu vives avec cette profonde angoisse de perte toi aussi, de te la transmettre inconsciemment. Je ne veux surtout pas que tu sois hantée par la peur de nous perdre. C'est sûrement pour ça que j'ai voulu que tu dormes dans ta chambre dès le retour de la maternité, pour éviter qu'on ne soit trop collée, que je te transmette toutes mes peurs et que tu ne saches exister sans moi. Je sais, c'est bête ! Evidemment que le petit être que tu es ne sait pas exister sans moi. Mais, je craignais que tu ne saches grandir en dehors de moi. Et maintenant, j'ai peur d'avoir trop fait l'inverse, de t'avoir transmis le message : débrouille-toi par toi-même ! J'observe ton indépendance du haut de tes 10 mois et je me demande si j'ai bien fait ! Je suis partagée. Car je te sens sécurisée, à explorer le monde tout en vérifiant d'un œil que tes parents sont bien dans ton champ de vision et en même temps, j'aimerais parfois te garder tout près de moi, dépendante. Quelle lutte intérieure je vis parfois ! Je me dis aussi que tu as ton caractère, que tu es unique et que tu ne vivras pas l'histoire familiale comme je l'ai vécu, mais à ta façon particulière, peu importe ce que j'essaie de t'en transmettre. Et puis, je ne maitriserai pas tout et te transmettrai sûrement beaucoup malgré moi.

 

Ensuite, il y a mon grand-père paternel. Je ne sais pas comment te parler de lui correctement. C'était en même temps un grand-père aimant, toujours heureux de voir ses petits-enfants. Quand on arrivait (il faut dire qu'on habitait pas loin), il disait toujours à ma grand-mère "il n'y a pas un petit quelque chose pour les petites ?" : et il y avait toujours effectivement un gâteau, un bonbon, une bille...! J'ai des souvenirs de réunions familiales, de chocolats de pâques cachés dans le jardin et d'apéros tardifs dans la petite cuisine. J'ai aussi ce souvenir d'un été, bien plus grande, où je m'assurais chaque soir qu'il allait bien et où il m'a tant confié. Mais c'était aussi un homme au caractère bien trempé, qui pouvait exploser de colère et se montrer déraisonnable. Il était très fier et attendait une réussite de la part de ses enfants et petits-enfants. Il n'aurait pas fallu le décevoir ! Il n'acceptait pas la faiblesse : ni chez lui, ni chez les autres. Je ne peux pas croire que le regard de mon grand-père n'a pas traversé mon père, et joué sur la pression que je me suis mise et que je me mettrais toujours pour être excellente, ne pas décevoir, ne pas montrer que je peux me tromper. Là aussi, j'espère ne pas te transmettre cette pression inconsciente et que tu pourras être celle que tu désires, libre du regard que les autres porteront sur ce que tu réalises.

 

J'en viens naturellement à ton papi : mon père. Petite, j'étais très fâchée après lui et je l'ai été pendant longtemps. Il était trop absent pour moi et trop présent pour les autres.  En devenant adulte, j'ai compris qu'il avait des projets plein la tête, qu'il avait besoin d'être en action permanente et que c'était ainsi qu'il s'épanouissait et donnait pour sa famille indirectement. Petite, j'ai souvent pensé qu'il ne m'aimait pas, que je devais faire plus pour lui montrer que je valais la peine qu'il passe du temps avec moi. Finalement du temps passé ensemble il y en avait peu, mais j'ai souvenir de moments de joie et de partage. Aujourd'hui la qualité de ces moments priment sur leurs quantités, mais enfant c'était différent. C'est une absence dont j'ai souffert et beaucoup culpabilisé. 

Parfois quand je travaille tard ou que je dois te laisser un peu plus chez la nounou, je m'en veux profondément de ne pas être là pour toi.  Il faut bien travailler certes, mais... un jour tu pourrais me reprocher de passer trop de temps à soigner d'autres enfants au lieu de prendre soin de toi. Alors nos moments ensembles doivent être de beaux moments. J'aime jouer avec toi, te faire rire... et souvent encore, je trouve cela insuffisant. Je cherche l'équilibre : qu'il est dur à trouver ! Ton papa dit souvent que je t'excite trop... c'est pas faux ! Moi j'aime t'entendre rire et j'aime être ramenée en enfance avec toi, faire la fofolle ! Là, je reconnais mon père : son besoin de nous faire rire, de faire des blagues, de se détendre à l'extrême quand il est en famille pour décompresser du sérieux du reste de son temps.

 

J'en arrive naturellement à ton père. Je t'ai déjà beaucoup écrit sur lui et tu auras largement le temps de le découvrir sous toutes ses facettes. Je vais plutôt te parler de mon choix amoureux alors. Quand j'imaginais ma vie d'adulte, je me disais que je voulais un mari présent et des enfants. Au départ, mon choix pour ton père était donc un peu "à côté de la plaque" puisqu'avec son travail, il était très souvent parti. Je me souviens même qu'il m'ait posé la question au tout début de notre relation et que je lui avais répondu que ça ne me posait pas le moindre problème qu'il soit absent plusieurs mois dans l'année. Qu'est-ce qu'on peut se mentir à soi-même ! Evidemment que ça ne me convenait pas. Alors j'étais heureuse qu'il fasse le choix de se reconvertir pour être présent au quotidien. Aujourd'hui, je trouve que j'ai choisi un merveilleux père pour toi : il est présent. Bon, il manque parfois un peu d'humour, mais à nous 2, on réussit à le dérider (sauf quand j'ai trop joué avec toi le soir et que tu refuses obstinément de dormir... là, il ne se déride pas du tout !!!).

 

Ma chérie, ces deux lettres sont un tout petit bout de l'histoire. Je ne vois sûrement que la partie émergée de l'iceberg. Et finalement, ce que je vais te transmettre malgré moi, ceux ne sont pas tant ces choses dont je suis très consciente, que toutes les autres qui m'habitent et que je transmettrai sans même m'en apercevoir. Il y aura du bon et probablement du moins bon. Alors ces lettres seront là pour te rappeler qu'à chaque génération on fait au mieux pour transmettre le meilleur à ses enfants mais qu'on ne maitrise pas tout et que c'est ça, aussi, qui fait la richesse de la vie et de nos liens.

 

Je t'aime,

Maman.

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Lettre 10

Ma petite bichette, 

Après des semaines à faire la toupie et à te déplacer en marche arrière, te voilà partie en rampant ! Je n'ai pas les mots pour décrire la force de ma fierté quand je te vois évoluer. Bientôt tu feras du 4 pattes, puis tu te lèveras et tu marcheras ! Quelle extraordinaire aventure ! Peut-être alors, avant que tu ne te mettes à courir, est-ce important que nous revenions ensemble sur les pas de notre famille. Tant que, encore dans mes bras, je te porte, laisse-moi te porter vers tes ancêtres. Je ne te parlerai pas de la famille de ton papa car, même s'il s'agit bien de ton histoire aussi, ce n'est pas la mienne et je n'aurais pas les mots pour te la transmettre. Ce sera à papa, un jour, de te la raconter. Mais je peux te parler de ta branche maternelle, celle qui fait la moitié de ton arbre généalogique. T'ai-je dit qu'un an avant d'être enceinte de toi je me suis formée au génogramme ? C'est un arbre généalogique utilisé pour travailler sur l'histoire familiale. Le formateur nous a dit que personne ne choisissait cette formation au hasard. Etais-je là pour toi ? Pour penser mieux les branches dont tu hériterais à travers moi ? Sûrement. Même si, à ce moment-là je n'en avais pas conscience et je m'étais dit "bah moi je suis là pour le travail !".

 

Aujourd'hui, je veux remonter avec toi les lignées féminines. Nous parlerons des (arrières-(grands-))pères une autre fois. Je vais commencer par ce que je sais de certitude pour l'avoir vécu. Je suis née à l'orée du printemps au début des années 90. J'étais la 3ème, la petite dernière de la fratrie. Mes parents étaient donc des parents aguerris qui savaient très bien où ils mettaient les pieds avec le nouveau bébé que j'étais. Et puis, une troisième fille alors c'était vraiment sans surprise ! Pourtant ma naissance est venue bouleversée l'ordre familiale. Ma mère, selon les droits possibles à l'époque, a décidé de prendre sa retraite à ma naissance pour s'occuper de mes soeurs et moi. Elle cessait donc toute activité professionnelle pour se consacrer à 100% à ses enfants. Je ne connaitrais donc pas les levés matinaux car papa et maman partent au travail, ni les nounous et autres garderies. Ma première expérience en dehors du cocon familial, ce sera l'école. Un autre événement qui a marqué le lien à mes parents, ce sont les responsabilités supplémentaires que mon père a endossé à partir de mes 6ans et qui l'ont rendu moins disponible, plus absent. J'étais donc une fille à maman avec tout ce que cela a de positif et de négatif ! Je crois que cette histoire m'a rendue moins autonome, plus méfiante de ce monde extérieur que j'avais peu expérimenté. Ca m'a aussi donné une certitude absolue : la famille avant tout ! Je voulais être mère comme ma mère et j'avais la certitude dès ma plus tendre enfant que c'était là le plus beau métier du monde. Ma mère peut avoir cette fierté de nous avoir prouvé à mes sœurs et moi, qu'être maman c'est bien et c'est épanouissant. J'ai aussi intégré que c'était un boulot à plein temps qui demandait une grande abnégation. Sauf que, je suis devenue mère en 2020, à distance des années 90, et que les mamans d'aujourd'hui ne partent plus à la retraite dans leur trentaine. Alors, il m'a fallu renoncer à cette image d'Epinal : moi, entourée de mes enfants, à les élever au quotidien, à leur apporter amour et sécurité chaque seconde de chaque jour. En même temps, parce que je suis consciente de mes difficultés face à l'inconnu, je suis heureuse de t'offrir du temps en dehors de la maison. Mais... il y a cette petite voix qui me dit : fais-tu tout pour ta fille ?  Est-ce suffisant ? Ne pourrais-tu être plus présente ?  Plus à la hauteur ? A la hauteur... de qui ? de quoi ? de ma mère ? de mes parents ? de mes grands-parents ?

 

Ma mère a donc fait le job à 100% et moi, à ma place de petite dernière je culpabilisais de la laisser une fois devenue grande. Elle avait laissé de côté sa vie professionnelle avec ma venue et voilà que je la laissais pour vivre ma vie de grande. Et elle, qu'allait-elle faire sans ses enfants à élever ? Comment allait-elle se réinventer ? Et d'ailleurs, pourquoi a-t-elle fait ce choix ? Je ne parle pas de la logique financière et organisationnelle qui a été celle de mes parents dans les années 90, mais des raisons inconscientes qui font qu'elle a accepté d'être maman à temps plein, là où la vie aurait sûrement pu lui réserver d'autres belles surprises.

 

Passons à la génération suivante. Mes grands-mères, tes arrières-grand-mères maternelles sont des femmes exceptionnelles et exceptionnellement dévouées à leur famille. C'est ainsi que je me les suis toujours représentées. Ma grand-mère maternelle s'est retrouvée veuve alors qu'elle était enceinte de son 7ème enfant. Elle s'est démenée à élever ses 3 filles et 4 fils tant bien que mal, à une époque où personne n'aurait vu à redire si elle avait fait le choix de les abandonner. Elle a vécu des pertes et des traumatismes. C'est une battante, de celles qui ne se laissent pas abattre par les événements de la vie et ce serait bien gardée de se plaindre. Elle a fait le choix de mettre sa vie de femme entre parenthèse le temps d'élever ses enfants, d'en faire des adultes responsables qui quitteraient la maison. En vieillissant, ses blessures sont ressorties, elle porte souvent un regard triste sur sa vie. Pourtant, elle reste battante et se porte sacrément bien pour ses 91 années, quoiqu'elle en dise. J'imagine que cette histoire familiale a pesé sur la façon dont ta grand-mère a été maman avec moi et mes soeurs, sur le choix de nous consacrer tout son temps, sur la façon dont elle a investi sa maternité.

 

Quant à ma grand-mère paternelle, c'est une femme discrète et dévouée. Peut-être que je me trompe mais j'ai cru comprendre, dans les bribes de discussion que nous avons eu, qu'elle avait des rêves de ville et de vie sociale citadine, auxquels elle a renoncé pour vivre à la campagne, remplir son rôle d'épouse, de mère et de femme au foyer. Je dirais que la vie la rendue petite. Elle avait cette fratrie solaire : ils avaient tous des rides plein les yeux et les commissures des lèvres tellement ils étaient souriants. J'imagine qu'elle a grandi dans une famille où il y avait de l'amour et de la joie. Ma grand-mère avait un grand sens de l'humour mais elle se taisait souvent. Maintenant, sa mémoire s'en va et il sera difficile d'en savoir plus sur qui elle était. Elle a eu 4 enfants, 3 grands et puis un petit dernier. Peut-être pour lutter contre une certaine solitude : ce petit dernier qui resterait quand les grands seraient partis et qui continuerait à animer son quotidien. Ou n'est-ce qu'une répétition familiale car il y a aussi un petit dernier dans la grande fratrie de ma grand-mère lequel a un écart d'âge important avec ses frères et sœurs ? 

 

J'aurais bien du mal à remonter encore les générations. Mais il y a deux femmes dont je veux tout de même te parler. La première c'est mon arrière-grand-mère maternelle : la mère de mon grand-père maternelle. Cette femme est un mystère pour moi. Je crois qu'on m'a déjà raconté plusieurs fois l'histoire mais tout ce que j'en retiens c'est qu'elle a laissé ses enfants à d'autres pour les élever pendant qu'elle est partie vivre sa vie de femme ailleurs. On a beau m'avoir raconté pourquoi , je ne retiens pas. C'est une arrière-grand-mère que je ne comprends pas. Il y a toutes ces femmes dévouées à leurs enfants au sein de notre famille et puis il y a elle, qui n'a pas vu une source d'épanouissement dans la maternité, qui n'y a vu qu'un frein à son existence et a fait le choix de l'abandon. Je n'arrive pas à l'intégrer à notre lignée. Il faut que j'aille voir l'arbre généalogique pour me souvenir de son prénom. C'est l'absente, celle que je juge sûrement trop durement pour n'avoir pas fait son job. Elle était veuve, c'était une autre époque, certes. Mais non, vraiment je ne peux comprendre. L'autre femme, c'est celle qui a élevé mon grand-père : sa tante par alliance. Dans la famille, on en parle comme de la "mère Hélène". Dans mon enfance, je me souviens avoir souvent entendu parler de la mère Hélène et du père Jules. Et c'est bien plus tard que j'ai compris qui ils étaient. Ce sont ceux qui ont donné un avenir à mon grand-père et ainsi à toute notre lignée. Alors avec toi, ma petite Hélène, sûrement la boucle est-elle bouclée ! Ton prénom était un choix du coeur. Il était déjà choisi quand je me suis souvenue de la mère Hélène. Est-ce une façon inconsciente de lui rendre hommage ? De te transmettre à toi cette bonté qu'elle devait posséder pour accepter de recueillir les enfants de sa belle-soeur, de les élever et de les aimer ? Peut-être est-ce ma façon de te dire que je veux m'inscrire dans la lignée des femmes qui donnent le meilleur à leurs enfants, qui les aime inconditionnellement et restent à leur côté quelque soient les épreuves de la vie ; et que je te souhaite, un jour, de t'inscrire toi aussi dans cette belle lignée.

 

Ta maman qui t'aime.

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Lettre 9

Ma petite chérie,

 

J'aimerais t'écrire des choses essentielles, des choses importantes que peut-être on oublie de dire au quotidien. Depuis quelques mois, tu es notre petit soleil dans la maison. Dès que tu nous vois, dès qu'on s'adresse à toi, un sourire resplendissant apparait sur ton visage et illumine les nôtres par la même occasion. Le bonheur que nous ressentons ton papa et moi depuis ta naissance est décuplée. Je ne pensais pas que tu nous apporterais autant. Et c'est de cette joie dont je veux te parler.

Tu verras qu'en grandissant, on perd un peu de cette joie. On continue de ressentir des moments de bonheur, mais on ne sourit plus de toutes ses dents (en l'occurence pour toi à ce jour : 2 !) dès qu'on voit quelqu'un qu'on aime. On n'exprime plus sa joie aussi clairement. Parfois même, on retient nos éclats de rire, nos envie de s'amuser, de jouer, de rigoler... parce que ce n'est pas le moment, parce qu'on a grandi, parce qu'on devient mature. "Mature" sonne presque comme un gros mot quand je te vois. Quelle tristesse d'oublier ce que peut être une vie de rires et d'amusement, pour se cantonner au sérieux et à la vie de grand. Alors, toi, ta venue dans nos vies, ta spontanéité, ta joie communicative, tu nous rends un peu de notre enfance lointaine. A ton contact, on a le sourire facile, on rit à gorge déployée, on joue, on fait des cris d'animaux, on se met à 4 pattes, on fait des bruits de bouche... parfois ton papa dit que je t'excite de trop... c'est sûrement vrai. Mais à ton contact, je retrouve ma joie d'enfant et j'adore cela.

 

Un jour, toi aussi, tu vas grandir, tu voudras être mature, plus sérieuse. Tu auras peur du ridicule, du regard des autres. Et tu abandonneras sûrement, comme je l'ai moi-même fait, une part de cette joie infantile facile et si efficace.

Ce que je veux te dire aujourd'hui, c'est de ne jamais devenir trop sérieuse. Grandir heureux, c'est aussi garder une part d'enfance, une part d'autodérision, d'amusement, de capacité à s'étonner, à rêver, à rire, à régresser.

 

Il y a quelques temps, avec ton père, on a regardé un dessin animé. Le genre de dessin animé plus fait pour les adultes que pour les enfants à vrai dire. Le message c'était que parfois, à force de vouloir atteindre un objectif de vie, de vouloir à tout prix réaliser un rêve, on en oublie les joies simples qui font le quotidien. Là, maintenant, du haut de tes 8 mois, tu as ça : tu n'as pas de grands rêves difficiles à réaliser et qui te plomberaient le moral, tu n'as que l'émerveillement des petits bonheurs et de la découverte. Garde-le, toujours. Cette capacité est un bien précieux que bien trop d'adultes laissent sur le chemin de l'enfance. Je crois qu'ils finissent tristes et aigris. Alors, oui, ma chérie, rêve grand, rêve toujours grand, mais apprécie le petit. Apprécie le soleil qui chauffe ta peau en été et l'odeur de la pluie, le bruit des pas qui crissent dans la neige et le doux son du vent dans les branches. Apprécie les moments avec tes proches, aussi simples soient-ils. Apprécie la bonne nourriture et les loisirs faciles. Apprécie le déroulement d'une journée ordinaire : la joie de se réveiller naturellement, d'ouvrir ses volets et de découvrir le temps dehors, de prendre un bon petit déjeuner, d'écouter de la musique, d'aller de découvertes en découvertes à l'école ou dans la vie professionnelle, de rencontrer les autres, de se détendre avec un bon livre ou un bon film, de partager du temps avec ceux qu'on aime et de se sentir aimé, de retrouver le soir venu la détente d'une bonne douche et d'un lit douillet, de s'endormir plein de rêves pour le lendemain. Bref, tes grands rêves se réaliseront un jour. En attendant, aime la vie, rie, joue, découvre et délecte-toi des petits bonheurs quotidiens. 

 

Merci ma chérie pour ce surplus de bonheur et pour ces joies d'enfance que tu as apporté dans notre maison. On se régale chaque jour du son merveilleux de tes rires et de ton regard pétillant sur la vie.

Je t'aime, 

Maman.

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Lettre 8

Ma petite excitée chérie, 

Eh oui c'est pas hyper classe, mais ton surnom du moment c'est "ma petite excitée" ou "ma petite agitée". Tu vas tranquillement sur tes 8 mois et tu ne tiens pas en place ! La vie a l'air particulièrement frustrante pour toi : clairement tu voudrais courir, avancer, bouger, gigoter et ton corps est encore si limité ! Et quand ce n'est pas ton corps, ce sont nos bras qui limitent tes explorations. Mais tu évolues de jour en jour et c'est un merveilleux spectacle. On te sent curieuse, avide de découvrir le monde et de pouvoir profiter de toutes tes capacités. Puisses-tu garder cet appétit pour la découverte, cet entrain face à la nouveauté : c'est une super qualité ! Sais-tu que pour moi chaque changement me demande des efforts incroyables pour lutter contre mes angoisses ? J'aimerais faire des choses nouvelles et je suis sans cesse stoppée dans mon élan : trop dangereux, trop grosse prise de risque, trop peur de me planter, trop timide,... je me mets tellement de limites que je pourrais rester dans une situation inconfortable mais connue, plutôt que de me confronter à l'inconnu. Alors non, vraiment, j'espère que tu ne me ressembleras pas sur ce point. Mais bon, je me soigne ! Ton papa est d'une grande aide, car il me redonne confiance quand je doute et me pousse vers plus de nouveauté. Il se prend vachement moins la tête que moi ! Sûrement qu'en te voyant grandir parfois il faudra que je ferme les yeux, que je respire et que je garde mes angoisses bien au fond de moi, pendant que tu iras tranquillement découvrir de nouvelles choses. Et, si parfois je ne réussis pas à retenir un "Mais tu ne te rends pas compte ! c'est bien trop risqué ! Tu ne peux pas faire ça !", sache que derrière cette phrase se cachera toujours un "je suis profondément fière de toi pour tout ce que tu entreprends : ta pauvre mère n'en aurait pas fait le quart". Alors ne me laisse pas te freiner.

 

Je t'aime ma petite fille vive et curieuse,

Maman.

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Lettre 7

Ma grande chérie, 

J'aimerais te parler de cette relation si particulière qu'entretiennent les mères et leurs filles, faite de proximité, de complicité, d'identification, mais aussi de conflits et de rivalités. Je ne peux parler que de ce que je connais : notre relation mère-fille naissante depuis 6mois, et la relation que j'entretiens avec ma mère depuis 30ans. Mon expérience est donc maigre en la matière !

 

Ce que je sais, c'est que les relations mère/fille n'ont rien de simple ou de banal. C'est une perpétuelle co-construction. Je ne pourrais te décrire la relation à ma mère en un mot. Il y a tellement de vécus, de ressentis et d'ambivalence ! Ce n'est jamais tout noir ou tout blanc. C'est une relation faite de nuances de gris : du gris très clair au très foncé en fonction des moments de la vie. 

 

Pour être plus juste, je dirais que c'est une relation patchwork avec des beaux morceaux bien colorés et d'autres moins folichons ! L'important ce n'est pas tant que tous les morceaux soient beaux, l'important c'est que le tout tienne bien ensemble, que ce soit du solide, que surtout surtout ça ne se découse pas et que ça ne tombe pas en lambeaux. C'est vraiment ainsi que je vois les 2 relations mère/fille que je connais intimement. Eh oui ma chérie, tu n'as que 6 mois et j'aimerais te dire que notre relation est merveilleuse de A à Z. Mais non, il y a déjà des nuances, des moments d'ambivalence. Et puis c'est bien comme ça. Une relation idéalisée serait un patchwork cousu de fil blanc : un petit accroc et tout tomberait en morceaux. Dis-toi bien ma chérie que parfois je vais te soûler, te mettre en colère, que tu passeras par l'âge où tu me trouveras con. Et ce sera réciproque : parfois tu me fatigueras, tu me facheras et viendra un jour où je dirai que tu traverses l'âge bête. Mais, pas la peine de culpabiliser, si on a bien travaillé en amont, nos colères et nos raz-le-bol l'une envers l'autre seront passagers. Finalement, même dans les périodes les plus grises foncées, l'amour, la confiance et le respect seront toujours là. Et on finira par s'accepter, mère et fille, avec nos qualités et nos défauts. C'est ainsi que j'espère notre relation.

 

C'est aussi ainsi que je perçois ma relation à ma mère. D'ailleurs, je trouve que cette relation a évolué depuis ta naissance. Dans les faits, c'est peu visible, mais intimement c'est différent. Je comprends mieux ses choix, ses façons d'être. Maintenant que je suis dans ses chaussures de maman, je comprends mieux ce que je pouvais lui "reprocher" -le terme est sans doute trop fort- de mon enfance ou de sa façon d'être mère. Je dirais que ça modifie le patchwork : que ce qui était gris foncé s'éclaircit un peu. Et puis, j'observe ce patchwork, je l'examine pour ne pas le reproduire à l'identique avec toi, mais pour en garder le bon et sa solide construction. 

 

Je nous souhaite un beau patchwork, bien coloré, avec des morceaux resplendissants et d'autres un peu plus ternes. Je nous souhaite surtout des coutures propres et solides, des coutures en fil d'or pour ce lien si fort qui nous unit. Mais des coutures ni trop serrées, qui nous empêcheraient d'exister l'une sans l'autre, ni trop lâches, qui traduiraient un manque d'attachement et de confiance. Juste un beau lien à co-construire au quotidien dans ton enfance, à préserver dans ton adolescence et à sublimer quand tu seras adulte. 

 

Je t'aime, 

Maman.

 

 

 

 

 

 

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Lettre 6

Mon petit cœur, 

 

Cette semaine, tu as bu ton dernier biberon de lait maternel. Ça y est, c'est officiel, tu es une grande fille qui ne dépend plus du tout de ta maman pour t'alimenter.  Cela m'a fait un pincement au cœur. C'est sûrement un peu ridicule car cela faisait longtemps que tu n'étais plus allaitée au sein et que tu étais en tire-allaitement mixte. Mais malgré tout, c'est une nouvelle évolution. C'était notre dernier lien corporel, un petit reste de cordon ombilical. J'ai le sentiment de te lâcher dans le grand bain de la vie. Et quand bien même j'admire chacune de tes évolutions, je suis nostalgique aussi du petit nourrisson qui s'endormait sur mon sein paisiblement. 

 

Je "bloque" sur la nourriture depuis ta naissance... non, depuis la grossesse en fait ! Ça a commencé à la seconde où j'ai su que j'étais enceinte. J'ai espéré pour toi que tu aies le métabolisme de ton père : que l'alimentation ne soit pas un problème toute ta vie, que tu n'aies pas à contrôler ta gourmandise pour éviter une inexorable prise de poids. D'aussi loin que je me souvienne, je me suis toujours sentie trop grosse et j'ai toujours été confrontée à des phrases du style "attention tu ne devrais pas manger ça ou pas autant" et quand on me le disait pas, c'est moi-même qui le pensais.

Cette grossesse fut marquée par le diabète gestationnel qui, en plus de venir valider ce que je savais déjà -mon métabolisme de "grosse"-, mettait en péril ta santé. Je risquais d'avoir "un gros bébé". Ma première remarque quand j'ai appris ma condition fut "ce bébé n'est même pas né que je ne sais déjà pas en prendre soin...". C'est alors le début du contrôle de mon alimentation pour prendre soin de toi justement, et de sentiments de culpabilité à chaque mini-écart. Je n'ai rien lâché et le diabète a été géré. Puis, il y a eu cette dernière écho : la sage-femme qui demande à ton père et moi combien on pesait à la naissance,  avant de dire "alors ce sera un gros bébé comme sa maman. Ce n'est pas dû au diabète que vous avez  bien contrôlé, ce sont les gènes tout simplement". C'était une petite phrase sans importance mais ça sonnait comme une prophétie : tu serais comme moi pour l'alimentation.

 

Les débuts de ton alimentation ont été assez compliqués ; peut-être à cause de cette prophétie qui me restait en tête ? Quoiqu'il en soit la tétée de bienvenue, que j'avais tant idéalisée, fut un échec total et je vivais ce moment avec une grande frustration. Ensuite, la mise en place de l'allaitement fut compliqué : je ne parvenais pas à te positionner au sein, tu tétais mal et peu. J'étais portée par le désir profond de t'allaiter et boostée par une puéricultrice, qui nous secouait un peu, toi et moi. C'était la conseillère en lactation, une femme avec un franc parler mais une vraie bienveillance envers les mères et les bébés. Pas question d'abandonner l'allaitement ! J'allais persister et petit à petit ça se mettait en place, on prenait le rythme. Nous n'étions malheureusement pas au bout de nos peines : une mauvaise prise de poids, un reflux et des coliques. Je me souviens avoir souvent culpabilisé et m'être dit que je t'empoisonnais avec mon lait qui te donnait tant mal au ventre. Mais c'est la pédiatre qui nous a achevé avec un regard tout sauf bienveillant sur nous, et des remarques et prescriptions qui menèrent petit à petit à une diminution de l'allaitement pour un passage au biberon. J'avais en tête de te donner du lait maternel au biberon et de compléter au sein car je n'avais pas assez au tire-lait. Mais au bout de quelques jours, tu n'as plus su téter. Sur le moment, la seule option m'a semblé être le passage au biberon à 100% et la mise en place d'un tire-allaitement mixte. C'était en même temps une grosse déception et en même temps un soulagement : j'aurai l'assurance que tu buvais assez. Je renonçais donc à cet allaitement qui me tenait tant à cœur, alors que tu n'avais que 6 semaines. J'ai continué à me poser de nombreuses questions sur la composition de mon lait, sur d'éventuelles intolérances alimentaires. Et puis sont venues d'autres questions sur les quantités à te donner : ne mangeais-tu pas trop pour ton âge ? Tu t'es révélée être un petit bébé gourmand ! Tu as vite rattrapé ta petite prise de poids du début. Le stress sur ton alimentation ne me lâchait pas : de gros bébé pendant la grossesse, à bébé avec une trop petite prise de poids, puis bébé qui mangeait beaucoup. Je lisais "il faut augmenter les quantités quand le bébé finit tous ses biberons pendant quelques jours". Toi, tu as toujours fini tous tes biberons, sans exception ! Je ne savais dire si tu avais besoin de plus.

 

Aujourd'hui, ça fait presque deux mois qu'on a commencé la diversification. Je prends beaucoup de plaisir à te voir goûter et déguster tout ce qu'on te propose. Tu aimes tout et j'aime te voir apprécier ce temps des repas. J'ai hâte de te faire découvrir d'autres choses : la viande, les laitages, les féculents. J'essaie de laisser mes mauvaises pensées et mes angoisses sur la nourriture derrière moi. J'essaie d'écouter ton papa quand il me dit qu'on ne peut pas se tromper et qu'il faut qu'on y aille au feeling. J'essaie ! Petit à petit, je me sens plus sereine.

Cette semaine, tu as bu ton dernier biberon de lait maternel. Et toute ma culpabilité sur tes débuts avec l'alimentation me ressurgisse au visage. Je refais l'histoire : je n'aurais pas dû écouter la pédiatre, j'aurais dû recontacter la conseillère en lactation, j'aurais dû poursuivre l'allaitement..., mais alors j'ignorais qu'un allaitement est bien mis en place qu'au bout de 6 semaines environ. J'aurais voulu te donner plus, j'aurais voulu mieux savoir. Le tirage du lait pendant 4 mois et demi a été éprouvant ; mais c'était un peu ma façon de me racheter. Tout comme ces premiers petits pots que j'ai tenu à faire maison. Au fil du temps, j'accepte que notre histoire avec l'allaitement fut celle-ci. Elle n'est pas merveilleuse, elle est faite, de mon côté, d'angoisses, de renoncement et de regrets. Mais j'oublie trop souvent qu'elle est aussi faite de découvertes et de plaisirs. Pourvu que tu n'en gardes que cela ! Et puisses-tu avoir toujours en toi cette phrase de ta tata écrite dans ton album de naissance : "un jour tata Mymy aimerait t'apprendre l'art de la gourmandise, qui n'est pas un vilain défaut".

 

Je t'aime (plus fort que le chocolat),

Maman.

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