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mon cher doudou

Lettre n°7 : j'en attends trop

Mon grand chaton, 

 

La semaine dernière, j'ai vu l'infirmière de PMI parce que niveau langage t'es pas au top, tu n'as pas l'air bien décidé à dire tes premiers mots. Alors, j'étais un peu interrogative et je ne savais pas s'il fallait s'inquiéter ou pas. Bon, la dame a dit de ne pas s'inquiéter. Et surtout, quand je lui ai dit que je n'avais pas trop les repères avec ta soeur qui était déjà scolaire bébé, et que du coup j'en attendais souvent trop de toi, elle m'a dit "dites-lui cela, c'est important". 

Je te l'ai dit. Mais je veux te l'écrire, pour le long terme, pour quand tu m'entendras dire pour la 100eme fois que toi tu balancais tout, que tu courrais en tout sens à la recherche d'une bêtise à faire, pendant qu'au même âge ta soeur passait 30 minutes assise à faire du rangement et des encastrements. Je veux que tu entendes derrière ces remarques, que cette comparaison n'est pas une comparaison de valeur. Je veux que tu entendes qu'il n'y a pas un mieux et un moins bien, que je ne parle là que de vos différences, et que j'interpelle aussi un peu sur ma propre difficulté à m'adapter au petit être que tu es et qui a chamboulé toutes les représentations que je m'étais construite avec ta soeur. 

Et surtout, je veux que tu saches que j'en attends trop de toi mon petit chat parce que j'en attends trop de moi. C'est l'histoire de ma vie. Je suis d'une exigence sans limite avec moi-même. Rien n'est jamais suffisant si ce n'est la perfection. Quand j'étais enfant, puis ado, puis jeune adulte, ta mamie m'a dit des dizaines de fois "ce n'est pas grave de se tromper, tu ne pourras pas toujours exceller et c'est ok", ton papi me disait "tu pourrais en faire moins, tu sais". Je suis ainsi, je ne supporte pas l'échec, j'ai besoin de réussir ce que j'entreprends. C'est nul d'être comme ça parce que ça limite. On tente moins parce que tenter c'est risqué d'échouer. J'en attends trop de moi depuis toujours et ma maternité ne fait pas exception à la règle. J'aimerais que mon besoin d'être une "bonne mère" n'ait pas de répercussions sur toi et ta soeur et que vous ne vous sentiez pas le besoin d'être "de bons enfants". J'ai juste envie que vous soyez vous, que vous vous sentiez bien, heureux. Si j'ai une exigence, c'est que vous ayez soif de découverte et, de ce côté-là, je suis gâtée ! Je m'émerveille de vos réussites, certes, mais je m'émerveille 1000 fois plus de vous voir épanoui. Je pourrais être fier de toi parce que tu t'es mis debout tôt et que tu as persévéré jusqu'à réussir à marcher seul à 10 mois. Mais ce qui me rend le plus fière dans cette histoire, c'est combien tu avais envie de crapahuter partout, de découvrir les grands espaces, d'avoir tes mains libres pour toucher à tout, expérimenter, ton adoration pour l'extérieur, la nature, les oiseaux... La semaine dernière, je suis venue te chercher chez la nounou à 18h et d'un air désolée elle m'a dit "il est dehors depuis le goûter à courir partout, j'ai bien essayé de le rentrer mais il hurle !". Moi je n'étais pas désolée, j'étais contente pour toi et de toi. Ces jours-ci, tu veux passer ton temps sur la tour d'observation devant une fenêtre et regarder les oiseaux voler. Et je t'admire, tellement. J'apprends à lâcher mes attentes et je découvre un peu plus chaque jour quel enfant exceptionnel tu es.

La dame de la PMI t'a trouvé observateur. On me dit la même chose de ta sœur. Elle, elle observe calmement pour décrypter et tout apprendre. Toi, tu observes en action pour expérimenter et tout comprendre. Moi j'observe en relation pour tout analyser et m'adapter. Et ton papa observe en discretion pour tout photographier. Vous êtes nos enfants, vous êtes beaux, vous êtes comme nous et en même temps totalement unique et tellement, tellement mieux que nous !

 

Je t'aime mon grand garçon, 

Maman

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Lettre n°6 : ton hospitalisation

Mon petit cœur,

 

Ça me revient en pleine face à chaque fois. Le 25 février, tu es hospitalisé pour la première fois de ta vie. Mon pauvre petit chou tout cabossé. Saleté d'escalier ! Rien de grave, tu as la tête dur mon petit chat mais quand même... Si c'était arrivé à d'autres, je dirais que les accidents arrivent, qu'on n'est pas des robots, que tout va bien et que c'est le principal. Mais là on parle de toi mon tout petit coeur... et de moi la fautive, alors c'est pas pareil et je m'en veux à mort. 

 

Cette culpabilité est la meilleure mauvaise amie de toutes les mamans. J'aimerais bien m'en débarrasser mais elle revient sans cesse, avec sa compagnie désagréable... 

Pour toi, la copine culpabilité n'est vraiment pas sympa. Je la vois comme un gros nuage noir au-dessus de nos têtes qui de temps en temps répète "tu l'as bien cherché". 

 

Quand je t'attendais, j'ai eu des peurs profondes. Il y avait les travaux dans la maison, Hélène en plein terrible two, ton papa qui bossait beaucoup et qui peinait à investir la grossesse à la hauteur de ce que j'avais espéré. Il y a eu 2 fois : 2 crises dans notre famille, dans notre couple, le sentiment de ne plus rien gérer, qu'on n'allait pas y arriver, que peut-être finalement notre couple n'était pas assez solide pour accueillir un 2eme enfant, que ça allait basculer, s'effondrait. Ça m'a paniqué. Qu'est ce que tu allais venir faire là-dedans toi petit bébé ? J'étais enceinte de quelques semaines et je te demandais tout bas de partir, de ne pas t'accrocher. Le lendemain, la nuit était passée sur mon chagrin, et je m'excusais 1000 fois, "maman dit n'importe quoi mon petit chat, reste bien au chaud au creux de moi, je te protégerai de tout, toujours, je t'aime fort fort fort fort fort". La peur a alors commencé à m'accompagner : jusqu'à ta naissance, je me disais qu'on allait payer mes mauvaises pensées, qu'il allait t'arriver malheur. Ce n'était pas constant, mais ça revenait par pointes douloureuses. Ça m'angoissait tellement ! Et puis tu es né, en pleine forme, mais mes angoisses coupables ne m'ont pas quittées. Elles reviennent encore régulièrement et elles surgissent encore plus fortes quand il y a un accident. Je suis terrifiée : ça y est, cette fois je vais payer. Pourtant non, tu es tout cabossé, tu tombes, mais il n'y a jamais rien de grave. 

Je pense aux paroles de ta nounou "chez nous, quand un bébé tombe dans les escaliers et qu'il n'a rien, on dit que les anges l'ont porté". Alors peut-être que je vois tout sous le mauvais angle : moi je suis prisonnière dans le gros nuage noir de la culpabilité, et je ne vois plus les étoiles autour et les anges au-dessus, bien au-dessus du gros nuage, qui te veillent. Je n'ai pas fini d'avoir peur... Tu es du genre cascadeur et moi je ne suis qu'humaine. Je referais des erreurs, je m'en voudrais encore à mort. C'est mon sort de maman. Mais, puissent, dans mes moments de faible humanité, les anges toujours prendre le relais et te protéger. 

 

Je t'aime mon grand doudou,

Maman

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Lettre n°4 : celle de ton premier anniversaire

Mon grand doudou,

Déjà un an que tu es venu agrandir notre foyer. Je ne sais pas quoi écrire. Je suis partagée entre la joie incommensurable de cette année avec toi et la nostalgie profonde de te voir déjà si grand. C'est ton premier anniversaire, c'est une fête ! Alors je vais laisser la nostalgie de côté et garder la joie !

La joie parce que tu es ce bébé extraordinairement toujours souriant ;

La joie parce que tu es curieux de tout, que tu aimes toucher à tout, qu'une journée semble trop courte pour assouvir tes besoins de découverte ;

La joie parce que tu cours gaiement en tout sens, que rien ne t'arrête, que tu es vif ;

La joie parce que tu es le petit être le plus câlin de cette maison ;

La joie parce que tes éclats de rire m'attendrissent aux larmes ;

La joie parce que tu ressens tout à 200% et que cette grande sensibilité sera un jour une force ;

La joie devant ton émerveillement pour la nature (Sais-tu que ton désir de te mettre debout est venu du fait que, dans cette position, tu pouvais admirer à loisir les branches du cerisier du jardin ?) ;

La joie parce que toi et ta soeur avez construit cette belle relation complice... mais pas exempt de jalousie... ;

La joie parce que tu es unique et merveilleux. Un deuxième enfant n'est pas une répétition du premier, c'est un tout nouvel être qui se construit et qui chamboule tout à sa façon. On avait l'habitude de dire de ta soeur qu'elle était notre parfaite petite fille. La perfection n'est pas unique, car tu es notre parfait petit garçon ;

La joie parce que tu nous offres de nouveaux défis parentaux à relever et que tu révèles de nouvelles facettes de nos personnalités ;

La joie parce que l'arrivée d'un bébé renverse tout ce qui était établi, mais que la reconstruction n'en est que plus belle ;

La joie enfin parce que l'amour qui circule dans notre famille fait exploser mon coeur !

 

Un an mon grand garçon ! Un an que j'ai le souffle coupé de tant d'amour ! Un an que derrière mon dos j'ai entendu ton premier cri : je me souviens encore m'être dit "mais qu'il crie fort !". Tu annonçais la couleur : toi, tu t'exprimes fort, tu ris fort, tu vis fort, tu aimes fort, tu ressens fort... Tout est décuplé quand il s'agit de toi ; tu n'es pas dans la demi-mesure, tu ne lâches rien, tu t'obstines quand tu as une idée en tête, un désir. Alors mon tout-petit, je te souhaite de poursuivre ainsi : de vivre fort, fort, fort ! Ne nous laisse pas le temps de respirer ! C'est ainsi que je te souhaite de grandir : en vivant pleinement !

 

Je t'aime plus fort que tout au monde, à égalité avec ta soeur,

Maman

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Lettre 3 : celle de tes premiers pas

Mon p'tit chat,

 

Voilà : 10 mois et tu marches ! Tu n'oses pas encore complètement, tu nous aggripes le petit doigt... Mais Myrtille ou un petit pot de purée n'ont qu'à passer par là, et hop tu nous lâches pour gambader joyeusement. Ton soucis, c'est que tu aimes la vitesse, et il est sûr qu'on va plus vite avec une maman ou un papa au bout de la main pour être rassuré. Mon sacré numéro ! Si on m'avait dit que tu marcherais à 10 mois, toi, mon petit bébé si longtemps collé à moi. Mais je t'observe et je vois que tu aimes de plus en plus découvrir le monde et que tu deviens plus serein en mon absence. Je vois ta joie en découvrant les petits copains qui t'attendent et t'acclament à l'arrivée chez la nounou "Imo, Imo !" (Un jour ils sauront dire ton prénom !). Je te vois moins sauvage quand d'autres te tendent la main. Je vois ta curiosité pour tout qui grandit de jour en jour. Et puis ça y est, ENFIN, tu ne m'appelles plus la nuit ! Tu sais qu'on se retrouvera au matin, comme je te le répète chaque soir, et cela semble finalement te suffir. Bref, tu te détaches un peu. Et moi, je lutte contre ce désir si fort de t'aggriper, de te garder tout petit et juste pour moi. Je suis prise d'une nostalgie profonde, tout aussi profonde que ma joie et ma fierté, à te voir évoluer. Tu n'es déjà plus un bébé ! Et je n'ai rien vu passer. Je sais que j'ai galéré avec toi, qu'il y a eu des moments vraiment dur, mais je n'arrive déjà plus à m'en souvenir. Je ne garde déjà que le meilleur. Mon tout petit déjà si grand. Tu ne m'épargnes pas... Les autres marchent à 1an, certains qu'à 18mois... Et toi, tu ne veux pas marcher, tu veux courir ! Alors oui, j'avoue que, quand on te tend les bras, et que tu fais demi-tour pour te lover dans mes bras, j'aime te retrouver, garder encore un peu de toi bébé. 

Je ne veux pas être de ces mères étouffantes qui maintiennent leur enfant sous leur coupe, qui en font des grands bébés parfois jusqu'à l'âge adulte. Je veux que tu vives, que tu grandisses, que tu t'épanouisses, que tu découvres la vie, le monde, les autres, que tu me trouves chiante et que tu m'envoies bouler comme il se doit... Mais, s'il-te-plaît, n'oublie jamais que tu as été mon petit, et que c'est mon petit doigt qui a longtemps accompagné tes pas, alors parfois épargne-moi et reviens vers moi.

 

Je t'aime mon grand garçon,

Maman

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Lettre n°2 : celle qui parle de tes difficiles premiers mois

Mon petit bonhomme,

Te voilà déjà si grand mon tout petit ! Tu vas sur tes 8mois et je voudrais que le temps ralentisse un peu. J'aimerais t'embobiner comme les chinois que tu arrêtes de grandir mon petit géant ! Mais voilà déjà que je sors les vêtements en 18 mois... ne veux-tu pas me préserver et rester encore mon bébé ? A priori ce n'est pas dans tes plans ; déjà tu ne veux te tenir que debout et traverser la maison en courant pour suivre ta soeur. Ca va vite, si vite ! Et pourtant ces premiers mois je ne les ai pas en adoration. C'est si compliqué un bébé... on ne comprend jamais quel est le problème. On tente des trucs. J'ai cette impression d'être une scientifique, de faire des expériences pour voir ce qui marche et trouver enfin ce qui joue sur ton sommeil, ton appétit, ta bonne humeur... Il nous faudrait le décodeur ! As-tu mal ? as-tu faim ? as-tu juste besoin d'un câlin ? Les 3/4 du temps je me sens si impuissante ! Et j'espère, je croise les doigts, pour ne pas trop mal faire... pour ne rien impacter définitivement, que mes erreurs soient anecdotiques.

 

Quand je suis devenue maman de ta soeur, ça a été une révélation : j'étais faite pour ça, pour être mère. Je ne dis pas que tout a été simple, car il y a eu aussi du doute et des erreurs, des essais et des échecs, des questionnements et des discussions infinies pour trouver les bonnes solutions que définitivement on ne trouvait pas. MAIS, j'étais bien, épanouie dans ce nouveau rôle et j'avais cette certitude profonde qu'élever des enfants était fait pour moi.

Et puis te voilà ! Tu bouscules tout ! Je croyais que le 2ème ce serait facile parce qu'on sait, on connait déjà ce que c'est qu'un bébé, on sait quelles vont être les difficultés. J'avais tort ! Tu m'as surprise de toutes les manières possible. Là où j'attendais les difficultés, elles ne sont pas venues ; là où j'étais sûre de mon coup, ça a été difficile comme jamais je n'aurais pu l'imaginer. J'aimerais dire que tu es un bébé facile et parfait. Tu es parfait, oui, mon parfait petit garçon, mais qu'est-ce que tu es difficile ! J'ai été dans des phases tellement sombres avec toi et je ne doute pas que ça arrivera encore. J'ai pleuré d'épuisement, j'ai eu tellement plus de pensées négatives, les fameuses "phobies d'impulsion". Pour Hélène, ça m'était arrivé une seule fois. Je savais que ça existait et j'ai accepté cela. Pour toi, c'est arrivé, souvent, et j'en ai beaucoup culpabilisé. Mais au final, le jour finit par se lever, balayant mes pensées négatives, et je te retrouve mon adorable et parfait petit garçon. N'empêche que je me suis souvent dit ces derniers mois : "mais en fait, non, je ne suis pas du tout faite pour être mère et élever des enfants !".

 

Hélène a fait de moi une mère, m'a fait connaitre le meilleur de la maternité, ce truc qu'on maitrise, qui roule comme sur des roulettes, et j'ai adoré cela. Tu as fait de moi une maman avec toutes les fragilités possibles, avec les peurs et les pleurs, avec les nécessaires remises en questions. Je pleure encore la nuit quand tu ne dors pas des heures entières, mais je suis sereine et je sais. Je sais que c'est là mon rôle, je sais que ça va passer, et je ressens ce bonheur immense  : cette chance, d'être là en train de pleurer au milieu de la nuit parce que j'ai 2 enfants qui m'épuisent de bonheur. C'est exactement ça : vous m'épuisez de bonheur. J'ai changé, j'ai lâché prise, j'ai arrêté de calculer tout, j'ai appris à vivre au jour le jour et à me délecter de chaque instant auprès de toi et de ta soeur. Tu as fait de moi une maman et Hélène peut t'en remercier car j'ai lâché prise avec elle aussi, je l'ai enfin rencontrée comme je ne l'avais pas encore fait depuis sa naissance. Quand tu es né, je disais "j'aime mes 2 enfants, mais le lien est différent". Maintenant, je peux le dire : j'aime mes 2 enfants et le lien évolue avec chacun, s’emmêle, se noue et se dénoue sans cesse pour mieux se renouer différemment : c'est le plus beau de la parentalité. J'adore cela.

 

Un jour peut-être seras-tu père, alors ce qui suit est pour le papa que tu seras : en parentalité tout est toujours une surprise, rien ne se déroulera comme tu l'as prévu, tout loupera un peu et tout réussira malgré tout. Finalement, tout passe, tu oublies le pire, tu ne retiens que le bon, tu grandis, tu changes et tu aimes comme jamais tu as aimé, à t'en faire exploser le coeur.

 

Je t'aime mon grand garçon (ralentis un peu s'il-te-plait),

Maman.

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Lettre 1 : celle où je parle de nos premiers liens

Mon petit doudou,

Je t'imagine à 30ans lire cette lettre et te dire 《ma pauvre mère était complètement gaga : "mon petit doudou" : sérieusement ?》. Eh bien, oui, je suis gaga, et ton surnom "doudou" s'est imposé à moi dès ta naissance. J'aurais pu faire plus original, je te l'accorde. Le doudou... celui dont on renifle la douce odeur, celui qui accompagne les petits dans les moments d'angoisse et les transitions, le doudou tout doux de l'enfance auquel il faudra un jour renoncer mais qu'on garde précieusement dans une armoire à l'abri des regards... voilà ce que m'inspire ce surnom qui s'est imposé à moi. Et d'ailleurs tu sais quoi ? Je n'ai jamais eu de vrai doudou quand j'étais petite ! Bref...

J'ai beaucoup réfléchi à comment t'écrire cette lettre. D'ailleurs c'était pas prémédité : oui, j'écris des lettres à ta sœur mais je n'avais pas le projet d'en faire autant pour toi. Sauf que... j'en ai eu le besoin : celui de coucher sur le papier (taper au clavier en l’occurrence) mes ressentis si forts et qui me questionnent tant. Tu as 6 semaines et 3 jours et enfin je commence à écrire sur ce que j'ai compris à la seconde où tu es né.

Toute ma vie je me suis imaginée mère d'une fratrie de filles. Je ne parvenais pas à me projeter avec un garçon. 《De toute façon, me disais-je, il ne faut pas que j'ai de garçons, je ne saurais pas m'en occuper.》 J'avais grandi avec des sœurs, avec des cousines, mais pas de garçons à l'horizon. Alors non, vraiment, je n'y arriverais pas : je ne saurais que faire d'un garçon. Et, pour mes 2 grossesses, il y avait en moi, quelque part, une certitude que finalement on choisissait un petit peu le sexe de nos bébés, inconsciemment, mais quand même. Et moi, consciemment et inconsciemment, j'en étais sûre : je voulais des filles... donc j'aurai des filles. Et puis, il y a eu cette première écho et pour moi un premier doute : voilà qui ressemblait à un garçon, ce qui fut confirmé par la sage-femme quelques semaines plus tard. Alors, j'allais avoir un fils : d'accord. Je m'attendais à avoir la trouille et à être déçue. Mais non, ni l'un ni l'autre : j'ai accueilli cette nouvelle avec sérénité. En fait, c'était comme si je découvrais une évidence, comme si inconsciemment j'avais voulu un fils et qu'enfin cette info émergeait consciemment.
La grossesse s'est poursuivie et petit à petit, je créais avec toi un lien fort, indicible. Je ne t'ai pas parlé comme je le faisais pour ta sœur, je n'en avais pas besoin, tu étais là, comme une partie de moi qui vivait ce que je vivais, entendait ce que je pensais. Souvent, et jusqu'au terme, je me croisais dans les miroirs et je me disais "ah oui c'est vrai, je suis enceinte". Comment exprimer cela clairement ? En fait, je n'attendais pas un enfant : il y avait toi, en moi, continuité de mon être. C'était là, prégnant, cette fusion, mais je ne l'ai comprise qu'au moment de ta naissance. Les femmes disent souvent avoir aimé leur enfant au premier regard. Moi, le premier lien ne fût pas par le regard : je t'ai entendu crier dans mon dos et j'ai été submergée. J'ai su instantanément que ce lien avec toi pouvait me perdre et qu'il me faudrait apprendre, chaque jour, à laisser grandir "mon doudou". D'ailleurs, au cours de la grossesse, j'avais décidé que je voulais couper le cordon ombilical : ton père n'était pas désireux de le faire et moi j'étais curieuse de sentir sous les ciseaux la consistance de ce lien de vie entre une mère et son enfant. Mais le moment venu, j'ai refusé. Ce n'était pas réfléchi, j'ai juste dit non et c'est la sage-femme qui s'en est chargée . Comme si je refusais d'acter cette première séparation : séparez-moi de mon doudou, moi je ne peux pas.

C'était donc ça. Ce que j'ai toujours pris pour une peur de ne pas savoir m'occuper et élever un garçon, était en fait une peur viscérale de ce lien que je créerais et qui me dépasserait ? Ou alors peut-être que je me plante, que ça n'a rien à voir avec le fait que tu sois un garçon, mais que ce lien est là parce que c'est toi, à ce moment-là de ma vie, avec ce parcours de grossesse, cet accouchement, cette rencontre. Je ne sais pas, je ne parviens pas à élaborer la question. Rapidement, j'ai dit à ton père : 《prend ta place, j'en ai besoin car c'est trop fort le lien avec lui》. A nouveau, le "séparez-moi de mon doudou, moi je ne peux pas le faire". Et toi, en réponse, tu ne te laissais apaiser que par mes bras ; ton papa te désignait déjà comme "fils à maman". Et moi j'oscillais entre ce sentiment de plénitude quand je te portais, te câlinais, et un sentiment d'étouffement, presque de danger. Parfois j'ai peur d'être trop et de t'empêcher d'être et de devenir, ou que cette première peur me mène à être pas assez et à te repousser. Ce lien me tétanise autant qu'il me vitalise.


Je me relis et je me dis qu'il me faudrait une bonne séance de psy ou peut-être une analyse de 20ans !

J'ai compris avec toi combien amour et attachement sont distincts. Tu sais il y en a qui disent qu'on a toujours un enfant préféré et j'avais peur que ça soit vrai. Sache-le, c'est faux. Mon amour est équivalent, fort et incommensurable, pour ta sœur comme pour toi. La différence c'est le lien : comment la force de cet amour s'exprime différemment malgré moi.

 

Je termine cette lettre : tu auras 8 semaines demain. Je reviens du rendez-vous avec la conseillère en lactation. Elle t'a dit de lâcher ta mère, elle a dit que tu étais "un garçon à sa maman", elle m'a dit "vous êtes son doudou"... Et j'ai pensé que c'était de bonne guerre !


Je t'aime,
Maman.

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