Ce 17 janvier, à 40SA+4, je me réveille sur un sentiment de lâcher prise : je ne crois plus à une arrivée imminente de bébé. Je partage mes angoisses avec mon mari : peur du dépassement de terme, du déclenchement, de la césarienne... il me rassure, j'accepte : ce bébé viendra quand il voudra et comme il voudra.
Au petit déjeuner, 2 contractions non douloureuses mais différentes du faux travail de ces derniers jours : mon ventre n'est pas pris en étau, je sens que la contraction pousse bébé vers le bas. Je reprends confiance... peut-être que quelque chose débute là. Pour autant, je vis ma matinée comme si de rien était : j'emmène la grande à l'école puis je m'active sur le détapissage du couloir. Parfois je suis stoppée par une contraction un peu plus forte. Vers 11h, je m'arrête et je prends le temps d'observer mes contractions : toutes les 5 minutes, légèrement douloureuses. Je fais ma séance de yoga quotidienne. 12h30, en plein repas, 2 contractions très rapprochées et "qui piquent bien". On décide d'appeler ma belle-mère pour que ma grande fasse la sieste chez elle. Mon mari s'active en tout sens pour terminer les sacs et prépare tout pour un départ imminent. Quelle montée de stress ! Finalement, quand tout est prêt et mon aînée partie, je sens que les contractions s'apaisent. Je tente de me mettre dans l'ambiance : lumière tamisée, musique, ballon... mais non, ça ne le fait pas. On décide d'aller se promener avec chéri. On marche 1h, les contractions sont nombreuses moyennement douloureuses. Retour à la maison, nous prenons une dernière photo de mon gros bidon puis je fais une sieste pendant que mon mari va faire deux courses. Au réveil de la sieste, c'est la déprime : les contractions se sont fort espacées et ne sont quasiment plus douloureuses. Un câlin de réconfort plus tard semble relancer les choses mais une fois encore ça ne dure pas... 18h, nous voilà devant la télé. Mon mari propose un resto pour ce soir histoire de se changer les idées. Je valide l'idée tout en broyant du noir.
18h45 toujours devant la télé je dis à mon cher et tendre qu'on laisse tomber le resto : je sens des contractions plus fortes, ce serait bête de faire un resto et de devoir partir avant le dessert. 19h, je lui dis qu'il serait peut-être important qu'on ne tarde pas à manger car ça monte sérieusement en intensité. J'avais prévu de faire une majeure partie du travail à la maison, mais me voilà qui change d'avis. Les contractions sont rapprochées, toutes les 4 minutes environ et surtout je ne veux pas me mettre dans ma bulle à la maison et que tout soit cassé par le trajet en voiture. On décide de partir dès le repas terminé. Pendant le repas, je ne tiens pas assise : je gère les contractions en m'accroupissant accrochée au dossier du canapé, tout en serrant un peigne dans mes mains pour gérer la douleur. Finalement on ne termine pas le repas : je pars mon dessert dans une main, mon peigne dans l'autre.
Le trajet en voiture est drôle avec monsieur l'amoureux qui peste que ceux de devant n'avancent pas. Je lui dis de rester zen, que je ne compte pas accoucher dans la voiture. Je gère les contractions en serrant le peigne et en massant le point douloureux de la main vu en préparation Bonapace, je vocalise aussi beaucoup. J'essaie de me concentrer sur les musiques qui passent à la radio : "forever young" ! Arrivée à la maternité, la sage-femme V. m'installe directement dans la salle de naissance coquelicot : celle où j'ai donné naissance à bichette, ça me rassure, je suis contente d'être dans cette pièce. Elle m'examine et annonce "2 doigts et demi, col encore un peu postérieur". On se dit que ça s'annonce long. Je demande à être sur le ballon pour le monito. La sage-femme me dit qu'elle va revenir ultérieurement pour me poser un cathéter, faire la prise de sang et le test covid. J'essaie de mettre ses infos de côté, je suis contente qu'elle ne le fasse pas immédiatement car ça avait été un moment compliqué pour l'accouchement d'Hélène. C'est parti pour la gestion des contractions pendant le monito. Je fais des cercles sur mon ballon. Mon chéri relit le petit guide que je lui ai fait. A chaque contraction, on gère à 2 : je sers mon peigne, j'appuie en même temps sur le point de pression douloureux de ma main, j'essaie de me concentrer sur ma respiration et sur cette pensée "je m'ouvre comme une fleur" en visualisant une fleur. Quand je parviens à faire émerger cette pensée, je sens que le bas de mon corps se détend instantanément, je sais que c'est ce dont j'ai besoin pour faciliter l'ouverture du col. Parfois je gère en silence, parfois je vocalise, je râle, je souffle comme un cheval. Mon mari lui, appuie à chaque contraction sur le point de pression douloureux au-dessus de la cheville et il me rassure, me dit que je gère : ça me fait du bien de l'entendre m'encourager. A 21h30, je n'en peux plus d'être bloquée sur le ballon avec le monito, j'en ai des crampes aux fesses ! On appelle la sage-femme qui m'examine : 6cm ! "Ah bah voilà !" s'exclame mon mari clairement ravi de cette avancée fulgurante qu'il n'avait pas imaginé. La suite est moins drôle : la sage-femme me demande de rester allongée le temps de la pause du cathéter et de la prise de sang, je m'exécute. Mais quand je comprends qu'elle va piquer dans le poignet, non loin de mon point de pression si efficace, je panique, je reprends mon bras. S'ajoute une contraction que je ne peux pas gérer, je hurle "pas maintenant !". Mon mari croit que je parle de la contraction "non la prise de sang, je ne veux pas !". La sage-femme semble hébétée quand elle dit "j'ai juste désinfectée". Elle ne comprend pas, ne me rassure pas. Une deuxième contraction que je ne gère pas du tout. Mon mari me rassure, je me raisonne, je rends mon bras à la sage-femme qui fait ce qu'elle a à faire et repart.
Les contractions se poursuivent, je ne sais pas trop quelle position adopter. Je panique, dit que je n'y arriverai pas. Mon mari me dit "tu sais dans quelle phase tu es, c'est l'histoire de 30 minutes et après c'est bon". J'ai envie de lui rétorquer que la phase de désespérance c'est 8cm, que j'en suis encore loin, mais je suis touchée qu'il essaie de m'aider, ça me réconforte (et en plus, je l'ignore, mais il a raison). Finalement, je les gère comme à la maison : accroupie, je me suspends à l'arrière du lit. Mon chéri continue les points de pression. Parfois, je hurle car la douleur me dépasse. Mon mari me dit "je sais ça fait mal" et je lui hurle dessus "non tu sais pas ! TU SAIS PAS !" Il avouera après s'être bien marré dans mon dos !
21h45, je ressens le besoin pressant d'aller aux toilettes sans quoi une contraction risque de s'accompagner d'une selle. Les toilettes sont occupées, je patiente une autre contraction. Aux toilettes, je me vide, je gère les contractions en criant beaucoup, mais elles me semblent faciles. Je vois que je perds du sang. De retour en salle de naissance, je n'ai pas le temps de parler du sang à mon mari ni du fait que je gère bien en étant assise, qu'une nouvelle contraction arrive : je me suspends à l'arrière du lit comme pour les autres, mon peigne toujours en main. Mais là j'entends un "schplok" et je sens le bébé descendre d'un seul coup vers la sortie. Je crie "il arrive, il est là" et mon mari sonne puis crie dans le couloir. Une sage-femme arrive : c'est C. qui est de garde en suite de couche. Puis, rapidement la sage-femme V de salle de naissance arrive aussi. Tout ce petit monde est derrière moi : je suis toujours accrochée à l'arrière du lit, à genoux dorénavant. V. me demande d'aller sur le lit et je lui crie "non, je ne peux pas !" Et puis je ne veux pas accoucher en position gynécologique : je suis là, j'y reste ! J'entends qu'il faut enlever ma culotte, j'essaie d'aider mais je n'y parviens pas : on me la découpe aux ciseaux. Une nouvelle contraction arrive : je hurle, je pousse malgré moi, instinctivement. C'est très douloureux, la poche des eaux explosent, je crois que c'est fini. Mais on me dit de pousser à la prochaine contraction. Je dis que je ne peux pas le faire, je panique. La sage-femme C. se positionne pour capter mon regard entre les barreaux du lit, elle me dit des phrases rassurantes et je retrouve assez de confiance pour gérer cette naissance. Je pousse à l'instinct sur la contraction qui ne tarde pas à arriver. Le passage de la tête est indescriptible de douleur, je crie... et puis, j'entends ce premier cri dans mon dos et mon mari qui dit ému "il est là". C'est un moment indescriptible, je suis seule au monde, je vois juste le sol avec mon peigne au milieu du liquide amniotique et j'entends mon bébé crier si fort. On me dit de le prendre mais je suis figée, je dis de le donner au papa. Finalement, on me le passe au sol, entre les jambes, et je vois apparaître mon Simon beau comme tout.