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Lettre 6

Mon petit cœur, 

 

Cette semaine, tu as bu ton dernier biberon de lait maternel. Ça y est, c'est officiel, tu es une grande fille qui ne dépend plus du tout de ta maman pour t'alimenter.  Cela m'a fait un pincement au cœur. C'est sûrement un peu ridicule car cela faisait longtemps que tu n'étais plus allaitée au sein et que tu étais en tire-allaitement mixte. Mais malgré tout, c'est une nouvelle évolution. C'était notre dernier lien corporel, un petit reste de cordon ombilical. J'ai le sentiment de te lâcher dans le grand bain de la vie. Et quand bien même j'admire chacune de tes évolutions, je suis nostalgique aussi du petit nourrisson qui s'endormait sur mon sein paisiblement. 

 

Je "bloque" sur la nourriture depuis ta naissance... non, depuis la grossesse en fait ! Ça a commencé à la seconde où j'ai su que j'étais enceinte. J'ai espéré pour toi que tu aies le métabolisme de ton père : que l'alimentation ne soit pas un problème toute ta vie, que tu n'aies pas à contrôler ta gourmandise pour éviter une inexorable prise de poids. D'aussi loin que je me souvienne, je me suis toujours sentie trop grosse et j'ai toujours été confrontée à des phrases du style "attention tu ne devrais pas manger ça ou pas autant" et quand on me le disait pas, c'est moi-même qui le pensais.

Cette grossesse fut marquée par le diabète gestationnel qui, en plus de venir valider ce que je savais déjà -mon métabolisme de "grosse"-, mettait en péril ta santé. Je risquais d'avoir "un gros bébé". Ma première remarque quand j'ai appris ma condition fut "ce bébé n'est même pas né que je ne sais déjà pas en prendre soin...". C'est alors le début du contrôle de mon alimentation pour prendre soin de toi justement, et de sentiments de culpabilité à chaque mini-écart. Je n'ai rien lâché et le diabète a été géré. Puis, il y a eu cette dernière écho : la sage-femme qui demande à ton père et moi combien on pesait à la naissance,  avant de dire "alors ce sera un gros bébé comme sa maman. Ce n'est pas dû au diabète que vous avez  bien contrôlé, ce sont les gènes tout simplement". C'était une petite phrase sans importance mais ça sonnait comme une prophétie : tu serais comme moi pour l'alimentation.

 

Les débuts de ton alimentation ont été assez compliqués ; peut-être à cause de cette prophétie qui me restait en tête ? Quoiqu'il en soit la tétée de bienvenue, que j'avais tant idéalisée, fut un échec total et je vivais ce moment avec une grande frustration. Ensuite, la mise en place de l'allaitement fut compliqué : je ne parvenais pas à te positionner au sein, tu tétais mal et peu. J'étais portée par le désir profond de t'allaiter et boostée par une puéricultrice, qui nous secouait un peu, toi et moi. C'était la conseillère en lactation, une femme avec un franc parler mais une vraie bienveillance envers les mères et les bébés. Pas question d'abandonner l'allaitement ! J'allais persister et petit à petit ça se mettait en place, on prenait le rythme. Nous n'étions malheureusement pas au bout de nos peines : une mauvaise prise de poids, un reflux et des coliques. Je me souviens avoir souvent culpabilisé et m'être dit que je t'empoisonnais avec mon lait qui te donnait tant mal au ventre. Mais c'est la pédiatre qui nous a achevé avec un regard tout sauf bienveillant sur nous, et des remarques et prescriptions qui menèrent petit à petit à une diminution de l'allaitement pour un passage au biberon. J'avais en tête de te donner du lait maternel au biberon et de compléter au sein car je n'avais pas assez au tire-lait. Mais au bout de quelques jours, tu n'as plus su téter. Sur le moment, la seule option m'a semblé être le passage au biberon à 100% et la mise en place d'un tire-allaitement mixte. C'était en même temps une grosse déception et en même temps un soulagement : j'aurai l'assurance que tu buvais assez. Je renonçais donc à cet allaitement qui me tenait tant à cœur, alors que tu n'avais que 6 semaines. J'ai continué à me poser de nombreuses questions sur la composition de mon lait, sur d'éventuelles intolérances alimentaires. Et puis sont venues d'autres questions sur les quantités à te donner : ne mangeais-tu pas trop pour ton âge ? Tu t'es révélée être un petit bébé gourmand ! Tu as vite rattrapé ta petite prise de poids du début. Le stress sur ton alimentation ne me lâchait pas : de gros bébé pendant la grossesse, à bébé avec une trop petite prise de poids, puis bébé qui mangeait beaucoup. Je lisais "il faut augmenter les quantités quand le bébé finit tous ses biberons pendant quelques jours". Toi, tu as toujours fini tous tes biberons, sans exception ! Je ne savais dire si tu avais besoin de plus.

 

Aujourd'hui, ça fait presque deux mois qu'on a commencé la diversification. Je prends beaucoup de plaisir à te voir goûter et déguster tout ce qu'on te propose. Tu aimes tout et j'aime te voir apprécier ce temps des repas. J'ai hâte de te faire découvrir d'autres choses : la viande, les laitages, les féculents. J'essaie de laisser mes mauvaises pensées et mes angoisses sur la nourriture derrière moi. J'essaie d'écouter ton papa quand il me dit qu'on ne peut pas se tromper et qu'il faut qu'on y aille au feeling. J'essaie ! Petit à petit, je me sens plus sereine.

Cette semaine, tu as bu ton dernier biberon de lait maternel. Et toute ma culpabilité sur tes débuts avec l'alimentation me ressurgisse au visage. Je refais l'histoire : je n'aurais pas dû écouter la pédiatre, j'aurais dû recontacter la conseillère en lactation, j'aurais dû poursuivre l'allaitement..., mais alors j'ignorais qu'un allaitement est bien mis en place qu'au bout de 6 semaines environ. J'aurais voulu te donner plus, j'aurais voulu mieux savoir. Le tirage du lait pendant 4 mois et demi a été éprouvant ; mais c'était un peu ma façon de me racheter. Tout comme ces premiers petits pots que j'ai tenu à faire maison. Au fil du temps, j'accepte que notre histoire avec l'allaitement fut celle-ci. Elle n'est pas merveilleuse, elle est faite, de mon côté, d'angoisses, de renoncement et de regrets. Mais j'oublie trop souvent qu'elle est aussi faite de découvertes et de plaisirs. Pourvu que tu n'en gardes que cela ! Et puisses-tu avoir toujours en toi cette phrase de ta tata écrite dans ton album de naissance : "un jour tata Mymy aimerait t'apprendre l'art de la gourmandise, qui n'est pas un vilain défaut".

 

Je t'aime (plus fort que le chocolat),

Maman.

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Je ne pensais pas avoir tapé si juste avec ma prophétie! Rassure toi, tous les aprents se stressent et focalisent sur un truc : l'alimentation trop ou pas assez, le sommeil, etc.. Ca va aller. Au fil du temps tu vas lâcher du lest!.<br /> Et surtout ote toi de l'esprit cette idée de poids, tu n'es pas et n'a jamais été grosse!
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