Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Lettre 5

Ma petite bichette, 

Aujourd'hui, je voudrais te parler de ta naissance, de ce moment hors du temps où nous t'avons rencontré, et de ma naissance en tant que maman.

Beaucoup disent que la naissance de leur enfant est le plus beau jour de leur vie. Ton papa et moi, on s'accorde à dire que non... ce fut la plus belle rencontre de notre vie, le démarrage de la plus merveilleuse des aventures, mais le jour de ta naissance fût long et épuisant ! Désolée pour le mythe ! Une fois que tu étais là, nous n'avions plus qu'une envie : aller dormir ! Nous avions toute la vie pour te découvrir !

 

Au lendemain de ta naissance, je disais à quiconque le demandait que l'accouchement s'était bien passé  et c'était vrai : c'était un accouchement normal, et toi et moi allions très bien. C'est avec le temps que je me suis avouée que l'accouchement était finalement une déception, compte tenu du projet de naissance que j'avais pour toi. Et même que ça avait été un événement plutôt traumatisant. Avec le temps donc, j'ai finalement accepté que, non je n'étais pas obligée de dire que c'était génial sous prétexte que c'est ce qu'on doit ressentir à partir du moment où "tout s'est bien passé". C'est comme si la société nous interdisait de nous plaindre : tu dois être contente car il y a des accouchements tellement douloureux ou nécessitant une intervention instrumentale ou chirurgicale, car tu as un bébé en bonne santé... et puis, un accouchement est imprévisible donc tu n'as pas le droit de regretter qu'il ne soit pas tel que tu l'avais rêvé. Tu ne dois pas te plaindre car alors quoi ? Ça voudrait dire que tu ne serais pas heureuse de la rencontre avec ton enfant et ça fait d'emblée de toi une mauvaise mère ? De même, tu n'as pas à te plaindre des difficultés du post-partum car tu as un adorable et merveilleux petit bébé. Alors, on se tait et on dit que c'est le bonheur total, que l'accouchement s'est bien passé, que c'était le plus beau jour de notre vie...et on souffre de ne pas vraiment le penser, on se sent archi-nulle, la plus mauvaise des mères de la planète.

Je t'écris cela ma chérie pour que tu saches, si les mentalités n'ont pas évolué d'ici-la, que tu as le droit, tout comme moi, d'être déçue, d'être décontenancée, d'être mal suite à la naissance de ton enfant et que ça n'enlève rien à ton amour pour lui. C'est une connerie de la société que de ne pas écouter et épauler une femme qui vient d'accoucher, de les mener à mentir sur ce qu'elles ressentent vraiment.

 

En ce moment, doucement mais sûrement, le silence se lève sur les vécus des femmes : les violences obstétricales sont dénoncées et on avance certainement vers un plus grand respect des femmes, de leur corps, des naissances et du post-partum. Les femmes osent de plus en plus lever les tabous et se battre pour une meilleure prise en compte de la naissance et de l'accouchement. D'ailleurs, je soutiens tout particulièrement le mouvement "une femme = une sage-femme", qui œuvre pour qu'un accompagnement réel des femmes le jour de leur accouchement soit possible, en demandant une sage-femme pour chaque femme, en maternité. J'espère de tout cœur pour toi quand tu seras grande, quand tu t'apprêteras à donner la vie, que tu récolteras les fruits de ce qui est semé actuellement et que tu bénéficieras d'un super accompagnement.

Pour ta naissance, je n'ai pas eu une sage-femme présente pour me booster. On m'a fait comprendre que le service était débordé et qu'il allait falloir que je me débrouille un peu. Alors, arrivée à la phase de désespérance, je n'ai pas trouvé de soutien, je ne me suis pas sentie à la hauteur et j'ai demandé la péridurale,  alors que j'avais le projet d'un accouchement physiologique. Rien de dramatique que ce petit changement de plan, n'empêche que l'accouchement dont je rêvais était à portée de main et que je n'ai pas su, pas pu aller au bout : ça a tout de même était un semi-échec.

 

L'accouchement en lui-même a été pour moi un choc. C'est pas faute de l'avoir préparé. Mais on ne peut s'imaginer avant de l'avoir vécu. J'ai un souvenir très vague de ta naissance, comme si je n'étais pas vraiment présente, pas vraiment moi, pas vraiment dans mon corps. Je m'attendais à un débordement émotionnel, à pleurer en te voyant et là aussi rien ! Juste un sentiment de relâchement. Mais pas d'émotions. J'ai mis du temps à oser le dire et l'écrire, car je me sentais mauvaise mère (encore une fois) de ne pas avoir ressenti de bonheur indescriptible,  tel que d'autres en parlent. Les premières semaines auprès de toi, j'oscillais entre une joie et une admiration pour toi, et un sentiment d'étrangeté. Souvent je disais à ton papa "j'ai l'impression qu'on m'a prêté un bébé. Je sais bien qu'il faut que je m'en occupe et je le fais tout naturellement mais je n'arrive pas à me dire que c'est le mien". Ça m'a fait flipper ce sentiment de non-reconnaissance qui durait, alors que tout était si naturel pour ton papa. Et si notre lien mère/fille ne se créait pas bien ? et si l'attachement se faisait mal ? et si je faisais une dépression ? Petit à petit pourtant, ça s'est passé et tu es devenue "ma fille", pas juste "le bébé dont je dois m'occuper". Et je crois avoir un souvenir bien plus précis des premières fois où je t'ai nommé "ma fille", du bonheur, de l'amour et de la fierté que je ressentais alors à ton égard, que de ta naissance. Avec le recul ça a pris sens : j'ai pris conscience du bouleversement -que dis-je ?- du véritable tsunami que fut ta naissance dans ma tête, dans mon corps, dans chaque cellule de mon être, et que ce temps pour que je me sente mère était un temps normal d'adaptation : le fameux accouchement psychique.

Aujourd'hui, je me sens plus mère que tout autre chose, je me demande comment j'existais avant toi. Je vis le plus grand bonheur de la terre, l'expérience la plus dingue qui soit. Ta naissance m'a révélé à moi-même. C'est comme si jusqu'alors je vivais non-entiere, qu'il me manquait une pièce du puzzle pour être pleinement moi. Cette pièce, c'était la maternité. Merci à toi de m'avoir faite entière, de m'avoir faite mère. 

 

Je t'aime 

Maman.

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
B
En te lisant, je me souviens de ce que maman m'a dit ; tu es la seule à être née à la maternité. Avant j'avais toujours accouché à la maison (c'était comme ça à l'époque, dans les années 50), et ensuite pour les 2 derniers, j'ai de nouveau voulu accoucher à la maison. La sage-femme était là durant tout l'accouchement, elle restait ensuite longtemps et elle revenait les jours suivants pour voir s'il n'y avait pas de complications. Pour toi, m'a t-elle dit, heureusement que celle qui était dans la chambre avec moi a sonné, voyant que je n'étais pas bien; je faisais une hémorragie, alors que je croyais que je transpirais, je sentais bien que j'étais trempée.
Répondre
M
un texte beau et sincere
Répondre